Depuis cinq ans, UZ n’a cesse de promouvoir le mouvement Trap au sein de la prolifique scène Bass Music et Hip-Hop. Découvert par ses Trap Shit bruts et puissants, le mystérieux producteur masqué fait rapidement monter la hype autour de sa personne. Qui est-il et d’où vient-il ? Le charisme du DJ et ses productions finement taillées séduisent un public avide de subs aiguisées. Il collabore vite avec les grands du domaine, de 12th Planet à Tropkillaz en passant par Stööki Sound et Ice Cube, remixe Flosstradamus ou Zeds Dead et signe chez les plus prestigieux labels comme Mad Decent, OWSLA, mau5trap ou la maison de BoysNoize. Sa carrière est bien établie, sa hype définitivement installée et son talent respecté de tous. Après avoir créé son label, il s’est enfin décidé à sortir son premier album, Layers. Et, surtout, à révéler son identité après des années d’anonymat. UZ est français. UZ est DJ Troubl et Plezier. Mais UZ est aussi double champion du monde de turntablism. Et UZ s’est révélé à nous, retraçant son parcours, ses projets et son amour pour la musique.
Tu as gardé ton identité secrète pendant tout ce temps et cela a grandement participé à la construction de ton personnage. Pourquoi avoir choisi de lever le voile aujourd’hui ?
Mon succès est avant tout dû à ma musique et, ensuite, grâce à tout ce concept qu’on avait derrière. J’ai décidé de lever le voile parce que le timing était bon et je pense que c’était nécessaire à mon épanouissement artistique. J’ai créé mon label Trap Quality Goods Records il y a un peu plus d’un an maintenant. Je dois le représenter, pouvoir voir les gens face à face… Avec l’anonymat, je ne pouvais ni voir ni parler à personne visage découvert. Et puis l’album sortait, il y avait le track de Future Mask Off : tout était propice !
Créer un alias masqué était-il pour toi un moyen de mieux t’exporter aux USA, où le Trap a toujours eu un cran d’avance par rapport à la France ?
Absolument pas ! En toute honnêteté, j’étais bien loin de me douter de l’ampleur que le projet allait prendre. J’avais juste décidé de faire un beat par semaine, vite fait, puis de l’uploader sur Soundcloud sans dire d’où je venais en créant un nouvel alias dissocié de mon parcours passé. À l’époque, personne ne faisait ce que je faisais. Tout le monde écoutait du dubstep.
J’ai eu un accident stupide en scooter qui m’a immobilisé chez moi pour deux mois et c’est là, avec un seul bras, que j’ai commencé le projet UZ !
Après, le Trap de l’époque était du rap d’Atlanta : de la musique de dealers, dirty, sale, du vrai Trap, quoi. Aux États-Unis, il n’y avait que Lunice, Morris ou Clicks & Whistles qui faisaient un truc qui y ressemblait. En vrai, c’est eux qui m’ont inspiré. Je me suis dit que j’allais créer un Soundcloud, mélanger tout ça et le mettre à ma sauce. Sans vocaux, des sons sales et durs mais un peu plus électroniques avec l’idée que ça pouvait être le nouveau « Trap ».
Tu as des techniques de deejaying incontestables. Ce n’est pas courant d’avoir un DJ double champion du monde dans l’environnement Bass Music… Comment approches-tu tes performances live ?
Honnêtement, le turntablism n’a jamais été ma priorité dans ce projet. J’avais déjà passé dix ans chez moi à m’entraîner et faire les compétitions. Trop de stress pour moi, c’était fini ! Tout ce que je voulais faire était de produire de la musique et la jouer en live. J’ai juste gardé les platines sur scène parce que c’est l’outil dont je me sers le mieux. Je fais un tout petit peu de scratch par ci et par là mais ce n’est définitivement pas un show technique à la DMC ! L’énergie est ailleurs, plutôt dans la sélection et l’enchaînement de musiques, ce qui est très important et fait la différence dans un milieu où beaucoup de gens jouent et font la même chose, malheureusement.
De ta victoire aux championnats ITF & All Star Beatdown à tes alias DJ Troubl et Plezier, peux-tu nous expliquer ton parcours et comment en es-tu venu à créer UZ ?
Je pense que c’est l’évolution de ma musique qui m’a poussé à créer ces nouveaux alias. J’ai toujours été un innovateur et j’ai toujours voulu être différent et créer quelque chose d’unique, dans tout ce que j’ai fait. Après avoir gagné les championnats, évidemment, j’avais acquis une certaine connaissance du turntablism et je voulais faire la même chose avec la production musicale. Je me suis donc encore renfermé chez moi de nouveau, mais cette fois ci, au lieu de passer mon temps sur mes platines j’ai passé mon temps sur mon ordinateur. Je sortais très peu. Je restais chez moi à produire track sur track, sans vraiment savoir quoi en faire. Électro, House, Dubstep : j’ai même produit des breakbeats vinyles pour scratcheurs et de nombreux sons et projets pour différents rappeurs…
Je ne travaille qu’avec des gens que j’apprécie en tant que personnes.
En 2011, je m’ennuyais un peu avec DJ Troubl et j’avais vraiment envie de me concentrer sur des projets plus précis. J’ai donc créé Plezier. J’étais très influencé par les trucs comme l’UK Garage. Le projet a rapidement eu pas mal de succès et, au bout de quelque mois, j’avais l’attention de gros producteurs comme Claude Von Stoke (Dirtybirdss) mais aussi des sorties sur Ministry Of Sound et Moda. Je jouais des guest mixes sur BBC Radio 1, c’était assez fou. Du coup, j’ai vite compris l’intérêt de faire des side projects plus ciblés. J’ai eu un accident stupide en scooter début 2012 qui m’a immobilisé chez moi pour deux mois et c’est là, avec un seul bras, que j’ai commencé le projet UZ !
Comment as-tu abordé la conception de Layers et quel était le mot d’ordre pour ce projet ?
En revenant de la dernière tournée d’Australie/Chine/Japon/Europe, je me suis dit qu’il fallait que je mette la barre un peu plus haut et que je produise la meilleure musique qu’UZ puisse faire. Je me suis donc renfermé pendant quelques mois. J’avais déjà pas mal d’idées de l’endroit où je voulais aller. J’ai beaucoup travaillé de chez moi puis on a organisé des sessions studio avec des rappeurs. Bien que certains aient posé à distance, toutes les personnes présentes sur l’album sont des gens avec qui j’ai déjà travaillé, amis comme connaissances. Je ne bosse pas avec quelqu’un parce qu’il est connu ou qu’il fait du buzz, ça ne m’intéresse pas. Je ne travaille qu’avec des gens que j’apprécie en tant que personnes. Je voulais juste que le projet soit cohérent et ne parte pas dans tous les sens. J’ai clairement mon son mais, en même temps, je ne voulais pas que ce soit simplement des beats Trap pendant une heure. Il y a du rap, des drops, des morceaux plus cools, joyeux, dark, tout en sonnant UZ ! Il me fallait explorer toutes les différentes couches, d’où le nom de l’album, « Layers « .
Sur ton titre Paradise, qui est d’ailleurs plus coloré qu’à l’habitude, on voit Plezier en featuring… Comment peux-tu collaborer avec toi-même ?
Quand je décide d’écrire de la musique, je ne sais pas où je vais. Du coup, sur ce titre, j’étais en vacances chez ma famille en France et j’ai commencé ça sur mon laptop. J’ai fait toute la partie mélodique et ça me faisait penser à la vibe de Plezier de l’époque. J’ai donc décidé de le créditer et puis ça remettait un peu d’actualité : les gens se demandaient qui c’était…
Quelle est la visée de ton label Quality Goods Records ?
Avec le label Quality Goods Records que j’ai créé il y a un peu plus d’un an, je voulais juste donner la chance à des producteurs plus jeunes de faire entendre leur musique. Je te parle des producteurs qui ont développé un son bien à eux et qui sont très, très talentueux ! Malheureusement, personne ne les aide et leur musique passe un peu dans les oubliettes que sont devenues maintenant Soundcloud et compagnie. On veut aussi vraiment créer un genre de collectif, de grande famille où les membres travaillent les uns avec les autres, en se remixant entre eux, en faisant des collabs… On leur fournit des artistes pour les vocaux, ils développent leurs sons et on grandit ensemble. On souhaite réellement s’éloigner du son « EDM » qui, pour moi, ne veux plus dire grand-chose. On produit quelque chose de frais et de jeune qui s’écoute aussi bien chez toi que sur le dancefloor. C’est une énergie vraiment positive et on a de très gros EP’s et singles qui vont sortir tout le long de l’année. Gardez les oreilles bien ouvertes !
Que penses-tu de la scène Trap Française et de ses artistes ?
Malheureusement, je ne suis pas en mesure de suivre tout ce qui se passe ici depuis que je vis aux États-Unis. J’ai déjà du mal à suivre tout ce qui se trame là-bas, en plus de tous les artistes français que je connais qui vivent ailleurs comme à Miami. Par contre, j’invite tous les artistes Trap et beatmakers francais à m’envoyer leurs musiques que je me ferais un plaisir d’écouter !
À l’heure où la Bass Music prédomine et où d’autres tendances comme la Future Bass convertissent plus d’un artiste, tu es l’un des seuls à rester fidèle à ton titre de Trap Lord et au genre Trap. Comment se porte le genre aujourd’hui ?
Comme je le disais précédemment, la nouvelle vague de jeunes producteurs est impressionnante et très talentueuse et le genre est bien vivant. Je pense aussi qu’il y a une espèce de retour aux sources avec des sons moins cheezy comme on peut beaucoup entendre ici. On revient à un son plus minimal, plus percutant et ça me plaît ! De plus, on entend du Trap sur tous les stages des différents festivals : ça veut bien dire que c’est là pour encore un bout de temps.
On a fait une petite fête avec ︻ ƱZ ︻ et les mecs de TEALER au Showcase Paris, c’était calme. Et vous, vous avez fait quoi de votre samedi soir ?
Publié par EDM France sur lundi 30 mai 2016
Tu as une discographie franchement impressionnante. Pourquoi avoir attendu tant d’années pour un premier album ?
J’ai déjà sorti un album en tant que DJ Troubl en 2011. Pourquoi pas avant en tant qu’UZ ? Tout simplement parce que je n’avais pas le temps…
Tu as récemment collaboré avec la marque Tealer et plusieurs vêtements à ton effigie sont disponibles. Mais pourquoi tout ce sujet autour de la Russie et du communisme ? Quel message veux-tu faire passer à travers ça ?
En plus de la musique, je suis passionné de mode, de vêtements et de sneakers. Je suis pas mal au courant de ce qui se fait dans ce domaine et, à l’époque, j’aimais bien des marques comme MISBHV, Cav Empt et les trucs designé par Gosha Rubchinskiy. Je trouvais que la Russie avait un truc cool : les jeunes skateurs, l’esprit rebelle, froid. Je ne sais pas, je pensais qu’il y avait un truc à faire et ce sont du coup les indications que j’ai donné à mon graphiste pour qu’il travaille la collection. J’aimais bien le résultat et il n’y avait vraiment pas de sens caché. C’est après que l’on s’est dit que l’emblématique de la collection pouvait prêter un peu à confusion mais finalement, tout le monde l’a très bien reçu et nous sommes déjà sur quelque chose de différent pour la prochaine saison.
Maintenant que ton visage est à découvert… vas-tu continuer à jouer masqué ? Dans quelle mesure le personnage d’UZ sera-t-il préservé ?
J’ai juste dit qui j’étais, cela ne va en rien changer mes performances masquées. Les gens adorent le personnage et le charisme d’UZ. Je garde le masque pour l’instant !