À l’occasion de l’immense fête étudiante organisée par le groupe Spi Dauphine à l’Equinoxe de Paris, nous avons eu l’honneur et l’occasion de rencontrer Nhyx, jeune producteur parisien qui jouait ce soir-là aux côtés de Faul & Wad et Wekeed. Un amoureux de la musique qui nous a conté son parcours, ses futurs projets et son attachement pour la composition.
Est-ce que tu peux te présenter et revenir un peu sur ton parcours musical ?
Je m’appelle Nhyx et j’ai 23 ans. Je produis des sons depuis presque cinq ans. À la base, j’ai une formation musicale. Je préfère le mentionner car il y a beaucoup de gens qui fustigent un peu les Djs en hurlant « le mec ne fait rien, il tourne un bouton au hasard », or il faut savoir qu’il y a pas mal de Djs qui ont une grosse carrière musicale derrière, de vrais bagages, qui ont travaillé avec des groupes… Pour ma part, j’ai fait huit ans de conservatoire. Je fais du piano en autodidacte depuis que j’ai sept ans : tous mes sons démarrent à partir d’un gimmick de piano. Au commencement, j’avais zéro matos. J’avais mon ordinateur – un PC tout pourri qui buguait toutes les trois minutes -, un câble MIDI tout flingué aussi, un petit clavier hérité de mon père et c’est tout. Je faisais deux ou trois accords sur mon piano, j’accordais le tout sur mon logiciel.
J’ai fait un tour aux Beaux Arts, un an. Mais on n’était vraiment pas sur la même longueur d’ondes, c’est pour ça que je suis parti. Là-bas, il y avait un studio : évidemment, il n’y avait personne dedans, jamais. Les mecs passaient leur temps à jeter des casseroles de peintures et à faire des expérimentations de dingue… Je critique en rien les artistes, encore moins contemporains, mais l’enseignement aux Beaux Arts, ce n’était pas possible… (rires). Bref, dans ce studio, il y avait du matériel. J’ai commencé à kiffer les synthés, kiffer les platines, débrancher, brancher, voir ce que ça faisait quand j’appuyais là, j’expérimentais beaucoup. Ça m’a donné envie de me mettre au son et j’ai commencé à faire de plus en plus de compositions.
Qu’est-ce qui t’as vraiment lancé dans la musique de manière professionnelle ?
J’ai commencé par mettre mes prods sur Internet, comme la plupart des mecs à cette époque-là car c’était vraiment l’avènement de SoundCloud. Et bizarrement, ça a commencé à prendre une petite ampleur que je n’avais vraiment pas imaginé. En assez peu de temps, un de mes tracks a fait quelques dizaines de milliers d’écoutes, et c’est là que je me suis questionné. Je me suis dit « J’adore faire de la musique, mais est-ce que je peux en faire… ma carrière ? » Je ne m’étais jamais demandé ça, quoi.
Comment tu vis, à seulement 23 ans, ce succès assez soudain ? Tu es quand-même attendu et supporté par des milliers de personnes…
Par rapport à certains, qui ont un seul track qui sort du lot, bim d’un coup… moi, c’est différent. Je pense que ma fanbase est assez fidèle, il y a un truc assez solide… mais c’est beaucoup plus progressif, ça se fait vraiment sur des années. Il n’y a que récemment qu’un de mes tracks a un peu explosé, environ 700 000 écoutes. Et puis d’ailleurs, c’est incroyable. Mais je trouve ça limite mieux, ça veut dire que tu ne plais pas à tout le monde et que ce n’est pas un succès éphémère.
Comment est-ce que tu as évolué musicalement depuis ces dernières années ?
J’ai commencé avec le mouvement deep house, j’ai fait des sons avec du saxo aussi, un peu électro-swing, etc.. C’est un peu ça qui m’a lancé, il faut l’avouer. Mais le truc, c’est que là où les mecs sont rentrés à fond dans ce domaine et ont éclaté, moi j’ai choisi des chemins un peu… différents. (rires) Je me suis intéressé à la musique classique mixée à de l’électro, par exemple. Rien à voir !
QUELLES SONT TES INSPIRATIONS ? Y-A T-IL DES ARTISTES EN PARTICULIER QUI T’ONT INFLUENCÉ ?
Oui, il y en a un dont je parle à chaque fois. Je ne pense pas que ce soit un artiste qui m’ait inspiré en premier lieu, mais en tout cas, là, sur mes productions présentes, beaucoup, c’est Overwerk. Pour le coup, il fait beaucoup plus dans des sonorités electro-house et c’est moins mon style car j’aime mieux les trucs un peu plus ronds mais c’est sûr que son attache à la composition très classique m’intéresse énormément. Tu vois, faire un solo de piano classique sur une basse hyper dark-électro… j’aime beaucoup ça. Vraiment beaucoup ça.
On sent quand-même que tes musiques sont assez atmosphériques, comme Week-end Milliardaire. Est-ce que tu as voulu dénoncer certaines choses à travers tes morceaux ?
Je ne dirais pas dénoncer, mais il y a une volonté, je pense, d’utilisation du sample – de la voix ancienne, tirée des films des années 30-50 – pour parler de la musique, du cinéma et de l’audiovisuel en général. J’aime bien faire des recoupements artistiques : idéalement, je voudrais faire une œuvre complète à la fois musicale, artistique et visuelle – parce que je dessine aussi. Bon, c’est un truc hyper difficile à réaliser, rien qu’au niveau du budget… En tout cas, il y a vraiment cette idée d’utiliser le vocal ancien et issu de films que j’aime beaucoup. Pour Week-end Milliardaire, les paroles sont tirées du film Le Criminel d’Orson Welles et pour mon dernier track Machines, c’est tiré du film The Dictator. Pour ce dernier morceau, il y a une volonté d’utiliser la musique dance pour faire passer un message de remise en question personnelle. Le message se suffit à lui-même… J’avais beaucoup aimé l’idée de Mr Oizo dans Positif qui fait « Vous êtes des animaux ». Il utilise l’entertainment, le côté « on s’éclate, on fait la fête, on pense à rien » pour quand-même exprimer quelque chose et faire réfléchir.
Ca fait deux ans que tu te produis en live un peu partout en France… Comment se sont passés tes sets jusqu’ici ?
Jusqu’ici, je ne faisais que des Dj sets. Au début, je ne passais que mes tracks, ensuite des sets un peu plus « lambda » en utilisant des tracks différents en faisant plus DJing… Ca allait de paire avec mon évolution : j’ai commencé en faisant des warm-up, puis des premières parties… enfin comme tout le monde, j’imagine. Il faut s’adapter. Pourtant, je ne me considère pas trop comme un DJ mais beaucoup plus comme un producteur. Là, j’ai décidé de faire en mars mon premier live piano ! C’est-à-dire que je vais mixer avec des platines, à côté j’aurai une boîte à effets, puis un clavier pour faire toutes les introductions de mes chansons en live avec mes p’tits doigts. Et après, un keytar. C’est un clavier en forme de guitare électrique, avec un portamento, un vibrato… C’est vraiment un synthé’ façon années 80. Le truc, c’est d’utiliser le live pour faire un semblant de live instrumental mais avec des sonorités virtuelles. C’est une volonté personnelle.
Du coup, quand reviens-tu jouer à Paris ?
Je suis dans une tournée française depuis quelques temps déjà. Je l’ai entamé surtout au niveau des écoles – j’ai dû en faire une trentaine, dont beaucoup d’écoles de commerce… En fait je crois que j’ai dû toutes les faire. (rires) Pas mal d’écoles d’ingé’ aussi, de médecine… Je reviens à Paris prochainement, pour mon live instrumental dont je t’ai parlé tout à l’heure, mais pour l’instant je ne peux pas trop en parler dans le détail.
Exceptés les lives, quels sont tes projets futurs ? Tu prévois un album, un EP ?
Oui, mais je ne peux pas trop en parler pour le moment… C’est encore en négociation parce qu’il n’y a pas encore eu de contrat entre moi et le label avec lequel je communique actuellement. Mais oui, il y a un EP de trois titres qui sort sur une compilation, qui comporte plusieurs artistes dans la même veine que moi, plus dans la vague deep house et tropical house. Ça va sortir d’ici quelques temps.
Nous avons une dernière question, un peu originale… Est-ce que tu peux nous dire un truc que tu n’as jamais dit à une autre personne ? Un scoop, une petite anecdote, n’importe quoi que tu n’aies encore jamais dit ?
(long moment d’hésitation et de discussion avec le manager…) J’en ai une avec le BDE de Kedge. Je ne les connaissais vraiment pas. J’avais déjà mixé pour eux, c’était sympa… J’y suis allé, comme ça, un peu les mains dans les poches. J’ai fait mon set vraiment au feeling. Et là… il devait y avoir un millier de personnes… Je crois qu’il n’y en avait pas une seule qui ne levait pas les bras. Pendant au moins les huit tracks de fin. Et ça, quand ça t’arrive… Franchement, en vrai, je pense que pour un DJ, à part peut-être les artistes hyper connus, ça n’arrive pas forcément très souvent que tout le monde soit vraiment en phase avec toi. Là, c’était vraiment un moment partagé. Un moment partagé entre moi, les gens qui étaient là et même les orga’, qui étaient tous derrière moi en train de taper des mains et de vivre la musique à fond. Non, ça vraiment, c’est… c’est juste le bonheur.
Ce n’est pas forcément une anecdote très exclusive pour vous, c’est sûrement arrivé à d’autres, mais c’est un moment que je tenais à vraiment partager.